Que faire quand le locataire quitte son logement sans prévenir ?

Article rédigé par Lucie LE RAY, le 27 mai 2019.

Maison abandonnée par le locataire

Voir un locataire quitter son logement du jour au lendemain sans prévenir son bailleur est un coup dur pour ce dernier, qui ne perçoit alors plus de loyer mais ne peut pas pour autant récupérer son bien instantanément. Mais la loi prévoit une procédure pour ce cas particulier, permettant à un propriétaire de faire valoir ses droits.

 

LE LOCATAIRE SEMBLE AVOIR ABANDONNÉ SON DOMICILE

 

Comment prouver l’abandon du domicile ?

 

Un locataire ayant prévu de déménager doit, avant de quitter son domicile, respecter un préavis d’un à trois mois. Il peut cependant partir sans préavis si le propriétaire a manqué à ses obligations (refus de mettre l’habitation aux normes d’hygiène, par exemple). Mais dans cette seconde hypothèse, le locataire doit au préalable avoir alerté le bailleur sur les dysfonctionnements en question et avoir entamé les démarches pour exiger de lui qu’il effectue les travaux nécessaires de remise en état.

 

Un locataire doit donc dans tous les cas prévenir son propriétaire avant de quitter le logement qu’il occupe, mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Il peut en effet arriver qu’un locataire quitte son domicile du jour au lendemain et sans en avoir averti le propriétaire du bien qu’il louait : c’est le fameux déménagement à la cloche de bois.

 

Mais avant d’en arriver à cette conclusion, le propriétaire doit envisager l’hypothèse que le locataire se soit simplement absenté de manière temporaire. Afin d’y voir plus clair, certains faits peuvent attester d’un départ définitif :

– le locataire ne paye plus son loyer ;

– les voisins l’ont vu déménager ;

– il a demandé la coupure de ses abonnements d’eau et d’électricité ;

– il a demandé à la CAF le transfert de son dossier d’aide au logement.

 

Le cas échéant, le propriétaire doit utiliser tous les moyens possibles (appel, e-mail, courrier, …) pour contacter le locataire et vérifier directement auprès de lui s’il a bien abandonné son logement.

 

Sans réponse de sa part, le bailleur a la possibilité de se rapprocher du garant du locataire qui pourra peut-être lui fournir une explication légitime à cette absence du locataire et le rassurer sur un éventuel retour à court terme de ce dernier.

 

Contacter le garant aura en outre le double avantage de pouvoir obtenir le versement de ses loyers, si jamais le locataire fugitif n’est pas en règle à ce niveau-là et que le propriétaire n’a pas souscrit d’assurance contre les loyers impayés.

 

Sans nouvelles de la part du locataire ni de son garant, il est alors possible d’envisager l’hypothèse qu’il a abandonné le domicile que le bailleur lui loue.

 
 

Comment récupérer un logement abandonné ?

 

Mais avant d’espérer récupérer ses droits sur son logement, le propriétaire doit vérifier qu’il n’existe pas d’autre occupant légitime. En effet, l’article 14 (relatif à l’abandon du domicile par le locataire) de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 stipule qu’en cas d’abandon du domicile par un locataire, le contrat de location continue au profit :

– de son conjoint ;

– du partenaire qui lui est lié par un pacte civil de solidarité ;

– de ses descendants, ascendants, concubin notoire ou personnes à sa charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile.

 

Attention toutefois : si le domicile semble bien abandonné par le locataire et qu’il n’existe pas d’autre occupant légitime, cela n’autorise pas pour autant le propriétaire à résilier le bail, à pénétrer dans le logement, à le récupérer et à le relouer aussi simplement. Si le locataire revient, il peut plaider la bonne foi et affirmer s’être juste absenté, rendant ainsi illégale la démarche du propriétaire. Ce dernier pourrait alors être reconnu coupable de violation de domicile et se voir condamné à une peine d’un an de prison et à une amende de 15 000 €.

 

Pour faire valoir ses droits, le bailleur doit passer par la voie légale en suivant une procédure bien spécifique qui a été instaurée par l’article 4 de la Loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires.

 

Ce texte, qui vient compléter l’article 14 de la Loi n° 89-462, a l’avantage d’offrir au bailleur un recours bien moins long et moins complexe que la traditionnelle procédure d’expulsion. Au plus tôt le bailleur récupèrera son bien, au plus tôt il pourra le remettre en location et percevoir à nouveau des revenus locatifs.

 

Cette procédure n’est cependant valable que pour les locations non meublées. S’il s’agit d’une location meublée, le propriétaire devra recourir à la demande classique d’expulsion.

 
 
 

FAIRE CONSTATER L’ABANDON DU LOGEMENT PAR LA VOIE JUDICIAIRE

 

L’intervention de l’huissier

 

En premier lieu, le bailleur doit faire appel à un huissier qui enverra une mise en demeure de justifier que le locataire occupe toujours le logement, ainsi qu’un commandement de régulariser les éventuels loyers impayés (toujours si le propriétaire n’a pas souscrit de garantie contre les loyers impayés).

 

Au bout d’un mois sans réponse, l’huissier peut constater l’abandon du domicile. Pour cela, il peut pénétrer dans le logement accompagné d’un membre de l’équipe municipale de la commune (maire, conseiller municipal ou agent municipal habilité) et d’un représentant des forces de l’ordre, ou de deux témoins majeurs n’ayant aucun lien avec lui ni avec le bailleur.

 

Une fois sur place, l’huissier rédige le procès-verbal de son intervention. Il dresse également un inventaire des meubles et estime leur potentielle valeur marchande, car ces derniers pourront être saisis pour régulariser les éventuels loyers impayés.

 

À noter que, si le locataire revient occuper le domicile durant ce mois, la procédure est nulle. Si le bailleur souhaite toujours récupérer son bien, il doit lancer une procédure traditionnelle d’expulsion.

 
 

La saisine du juge d’instance

 

Suite au constat d’abandon du logement par l’huissier, le bailleur saisit le juge d’instance en adressant une requête au greffe du tribunal d’instance. Il indique l’objet de sa demande, son identité complète (nom, prénom, nationalité, date et lieu de naissance, domicile et profession), l’identité du locataire et l’adresse du domicile concerné par la demande.

 

Il date ensuite sa requête, la signe et l’adresse au juge d’instance en y joignant toutes les autres pièces justificatives, dont le procès-verbal de l’huissier. Après étude du dossier, le juge rend une ordonnance.

 

Si le juge estime que la décision est fondée :

Il ordonne la résiliation du bail et la reprise des lieux par le propriétaire, et il autorise la vente aux enchères des biens abandonnés en se basant sur le procès-verbal de l’huissier pour estimer leur valeur marchande.
Le juge rend également une décision concernant la demande de régularisation des loyers impayés, si le cas se présente.

 

Si le juge estime que la décision n’est pas fondée :

Le bailleur n’a pas la possibilité de faire appel. Il ne lui reste alors qu’une seule solution alternative : lancer une procédure classique d’expulsion.

 
 

Informer le locataire de la décision

 

Si le juge statue en faveur du bailleur, ce dernier a deux mois pour en informer son locataire par huissier à son dernier domicile connu (sûrement celui qu’il vient d’abandonner, malgré le caractère absurde de la situation). Passé ce délai, cette décision deviendra nulle et le propriétaire ne bénéficiera plus d’aucun des droits qui lui avaient été accordés par l’ordonnance du juge.

 

L’huissier doit ainsi impérativement signifier au locataire :

– la manière dont il peut contester l’ordonnance du juge (sous quel délai, auprès de quelle juridiction, … etc.) ;

– la manière dont il peut prendre connaissance des documents produits par le bailleur ;

– l’impossibilité de déposer un recours si le délai légal de contestation est dépassé ;

– la possibilité de retirer ses biens encore présents dans le logement, dans un délai d’un mois ;

– la demande de remise de ses clés du logement à son propriétaire.

 
 

La contestation de la décision par le locataire

 

Le locataire dispose d’un mois pour contester l’ordonnance du juge. Passé ce délai, le propriétaire peut récupérer le bien, y entrer et le relouer.

 

Si le locataire conteste la décision du juge, elle est suspendue et les deux parties sont convoquées au tribunal dont le jugement remplacera l’ordonnance.

 

Le bailleur doit faire preuve d’une grande prudence et avoir la certitude d’être dans son bon droit. En effet, si le tribunal estime que sa démarche est abusive, il peut se voir condamner à une amende pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros.

 

Si le tribunal ordonne la rupture du bail mais que le locataire revient quand même occuper le domicile, l’huissier peut procéder à son expulsion immédiate.

 
 
 

SI LA JUSTICE REND LE BIEN À SON PROPRIÉTAIRE

 

La reprise du logement

 

Ça y est, la justice a ordonné la remise du bien à son propriétaire. Pour autant, ce dernier ne peut pas encore le récupérer à sa convenance : une nouvelle intervention de l’huissier est nécessaire.

 

Ce dernier procède à la reprise du logement, à la suite de quoi il dresse un procès-verbal dans lequel il indique :

– le détail des actions effectuées dans le cadre de cette récupération ;

– l’identité des personnes qui l’ont assisté au cours de cette opération ;

– la juridiction compétente pour statuer dans le cas d’éventuelles contestations relatives à cette expulsion.

 

Ces points sont indispensables pour garantir la validité de la reprise du domicile par le bailleur. Une fois complété, le procès-verbal est remis ou signifié à l’ancien locataire.

 

Le locataire expulsé doit alors récupérer son mobilier encore présent dans le logement, dans les 15 jours suivants la signification du procès-verbal d’expulsion. Passé ce délai (qui n’est pas renouvelable), ses meubles seront saisis et mis en vente aux enchères publiques. Dans tous les cas, les éventuels frais engagés pour évacuer ses meubles sont à sa charge.

 

Si le locataire expulsé ne remet pas ses clés au bailleur, ce dernier est autorisé à changer les serrures.

 

À noter que la reprise du logement effectuée en suivant cette procédure peut se faire à tout moment de l’année, y compris pendant la trêve hivernale.

 
 

Le signalement de la situation aux impôts

 

Après que la justice a officiellement reconnu l’abandon du domicile par le locataire, le propriétaire doit en informer au plus vite son centre des impôts. Faute de quoi, il devra s’acquitter du règlement de la taxe d’habitation de son ancien locataire.

 
 
 

UNE LOI PLUS JUSTE POUR LES BAILLEURS

 

Cette loi est à l’avantage du propriétaire qui bénéficie d’une procédure, certes stricte, mais plus rapide que la demande traditionnelle d’expulsion. C’est suffisamment rare pour être signalé : le locataire est en effet le plus souvent protégé par rapport au bailleur, ce dernier étant considéré comme partie forte par rapport au locataire dans la plupart des litiges.

 

De plus, le propriétaire peut se faire rembourser ses frais de justice auprès du locataire si ce dernier est solvable, et bien évidemment si l’huissier a pu le localiser.

 

Par ailleurs, un arrêt de la Cour de cassation rendu le 25 octobre 2018 et faisant jurisprudence stipule qu’un locataire qui déménagerait à la cloche de bois se rendrait automatiquement responsable des dégâts qui pourraient être causés par un tiers (en cas d’intrusion par exemple) et devrait ainsi en assumer la réparation à ses frais.

 
 

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